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La fabuleuse histoire de l’hypersensible qui voulait devenir avocate.

L’hypersensibilité peut se révéler être un levier formidable pour réussir et s’épanouir professionnellement. Mais comment faire quand notre hypersensibilité se met entre nous et le métier de nos rêves ? Faut-il se battre pour devenir ce qu’on attend professionnellement de nous ou doit-on à tout prix rester nous-mêmes ?

· Travail,Témoignages,Mon hypersensibilité

Par Sophie. A @sophaads

Tout commence au début de l’origine du commencement. La première année de droit. Tu sais, cet amphi blindé les deux premières semaines de la rentrée, puis rapidement désertique au mois d’octobre, cet amphi dans lequel les professeurs interviennent sans grand enthousiasme puisque les deux tiers des étudiants ne se sentent absolument pas concernés, qu’un quart s’endort et que le reste note scrupuleusement mot à mot sans réfléchir et sans rien comprendre tout ce que débite le prof.

Ok j’exagère (légèrement). Mais tu as saisi l’idée.

Un amphi de droit de première année est ze place to be pour un hypersensible introverti. Suffisamment grand, vaste et peuplé pour se sentir à l’aise, pour pouvoir se faufiler incognito, sans attirer les regards curieux ou gênants et sans risquer de se faire remarquer ou interroger par le prof. Sauf que, tu te doutes bien, au fur et à mesure que les années passent, l’effectif se réduit de moitié puis encore de moitié puis arrive fatalement la fin d’un cycle où tu te retrouves lentement mais sûrement dans une classe classico-classique-standardisée de 30 personnes. Traduction : les présentations orales devant tes petits camarades et autres plaidoiries en tout genre vont devenir ton pain quotidien.

Voilà. Et c’est probablement vers cette époque là que j’ai réalisé qu’un avocat, ça plaide. Oui (on apprend des choses un peu fofolles dans ce monde). Ça plaide devant un public que tu ne connais pas, devant des magistrats qui vont te JUGER (au sens propre du terme, hein) devant un confrère ou une consœur qui est là pour te torpiller verbalement, et devant ton client qui va te surveiller.

Mais à quel moment de ma vie je me suis dit que ça allait le faire?? Que j’allais pouvoir supporter tout ce poids, tous ces regards?! Moi qui depuis le primaire déteste « passer au tableau » et deviens écarlate lorsqu’on m’interroge?

Alors au début c’est bien sympa de rédiger des conclusions tranquillement dans son coin, mais qui va les lire a part l’avocat avec qui tu es en stage? Personne. La partie adverse va rapidement parcourir ta prose en diagonale et même les juges n’y auront jeté qu’un œil distrait puisque leurs assistants leurs auront déjà mâché le travail.

En d’autres termes, la seule partie du métier qui me plaisait vraiment n’allait m’apporter aucune reconnaissance. Je m’étais laissée entraîner par ma passion des mots, de la rédaction, des argumentaires, et maintenant je m’apprêtais à sauter (et à me noyer par la même occasion) dans le grand bain des requins sans scrupule, à l’ego surdimensionné, ce milieu où l’apparence fait foi, où tous les moyens sont bons pour écraser l’autre, se hisser au sommet et atteindre gloire fortune et honneurs. Le remake law-cost de « amour gloire et beauté » - ok c’était pas indispensable ça, j’arrête!

J’aurais rêvé être la femme de l’ombre, tu sais, celle qui travaille en silence, que personne ne remarque, et dont on arrive même à douter de son existence!

Mais admettons que je trouve une solution, que Harry Potter me prête sa cape d’invisibilité plutôt que d’enfiler la traditionnelle (et has been) robe noire, il y a encore un autre problème : il faut aussi savoir faire preuve d’un détachement TO-TAL lorsque l’affaire à défendre est contraire à nos valeurs.

Imagine cinq secondes que tu doives défendre un violeur, le cliché médaille d’or des pires clients, la bête noire des commis d’office. Pour commencer tu vas devoir écouter poliment l’histoire plus ou moins glauque qu’on va te raconter dans les moindres détails, puis il faudra la répéter devant le juge, puis... en fait je vais m’arrêter là dans cette explication sordide, mon cerveau est déjà en train de jouer le film, dès que j’écris un truc, une image arrive puis le scénario et ahhh bref! Stop!

Tu l’as compris, je peux trèèès difficilement te parler de quelque chose sans y mettre tout mon cœur donc autant te dire que je serais totalement incapable de défendre une affaire en laquelle je ne crois pas et que je préférerais laaaaargement la perdre sur un fâcheux malentendu...

Bon, tout ce bla-bla m’amène finalement à me poser la question existentielle suivante : y’a t-il des hypersensibles qui sont devenus avocats? Je veux dire, c’est possible, c’est compatible? Quels sont vos « tips » au moment d’entrer en scène? Comment arrivez-vous à affronter toutes ces paires d’yeux qui vous guettent au moindre faux pas? Et que faites vous de vos bras et de vos mains, vous les croisez devant vous ou derrière le dos ou vous les laissez pendre mollement le long du corps? Et votre regard, vous fixer le néant ou vous arrivez à regarder sereinement autour de vous avec assurance et détermination sans rougir, sans trembler et sans transpirer? Et comment arrivez vous à dompter vos pensées pour qu’elles ne sabotent pas votre discours et qu’elles ne paralysent pas votre cerveau ?

Aujourd’hui, j’en suis à ce stade où j’envie les personnes qui s’expriment en public avec aisance et naturel, quand je peine encore à aligner trois mots sans rougir, que j’ai presque honte de parler, d’être là, que je m’excuse presque d’exister, que j’ai le sentiment de n’avoir aucune légitimité pour rien. Mais aujourd’hui j’ai aussi découvert que je n’étais pas seule à être comme ça. Que cette particularité ne faisait pas de nous des personnes moins intelligentes ou moins capables et qu’au contraire prendre conscience de cette différence m’a aidé à comprendre mes réactions et va désormais m’aider à surmonter mes blocages et ce que je crois être impossible.

Et toi, tu as trouvé le métier de tes rêves ? Celui où tu peux être toi-même avec toutes les couleurs de ton hypersensibilité ?

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